Laf chantonne pour chasser les angoisses que lui crée le coronavirus. La musique est un réconfort pour lui.
Tout va très bien, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien
Pourtant, il faut que l’on vous dise
On déplore un tout petit rien
Un incident, une bêtise,
La mort de votre jument grise,
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien
Elle a péri
Dans l’incendie
Qui détruisit vos écuries
Si l’écurie brûle, Madame
C’est qu’le château était en flammes. [1]
Laf chantonne en regardant la morne plaine. « Khorocho, da Khoudo ». Ça va bien, mais ça va mal. L’esclave a raconté que la chienne Bispella est morte piétinée par la mule, effrayée par la mort du fils, la mère morte de chagrin, la chandelle est tombée, mettant le feu…
Ça, ça lui fait peur à Laf. L’enchaînement des choses. Il est un peu obsessionnel, quelquefois. Il se sent toujours responsable, mais pas coupable. Laf contemple la morne plaine. Serait-il un Bonaparte, un Napoléon, un vainqueur, un futur vaincu ?
Laf chantonne :
— « Tout va très bien, Madame la Marquise ». Nous voilà reconfinés, non, restrictés. Et moi, je suis à la montagne. Je suis promené à 10 kilomètres le jour et 1 kilomètre la nuit. J’aime bien « vivre à la française ». En fait, je suis bien ici. Je me sens à l’abri de la vaccination. Ils sont fous, ces humains. Ils se font vacciner par des vétérinaires, avec des adénovirus de chimpanzés OGM et recombinants. Du coup, il crie au loup. Aouh ! Aouh ! Laf a peu de souvenirs de sa toute petite enfance. On lui a vaguement dit qu’il a été cobaye de vaccin. Les beagles sont de bonnes bêtes qui se laissent caresser par les expérimentateurs.
Depuis quelques temps, sa maîtresse trouve qu’il ne va pas bien. Elle le rejoint sur la butte à se prendre pour Bonaparte. « On a compté nos morts et on a gagné du temps », dit-t-il en corse. Il prépare dans sa tête les prochaines batailles. Il se rêve Empereur. Il a peur que les Anglais débarquent. Pourtant, ce n’est pas une fille. Et lui aussi est british. Et avec le Brexit et la Covid, pas facile de traverser à la nage. Le soir, près du feu, sa maîtresse lui raconte des contes. Le problème, c’est qu’il est hanté par l’histoire de « Matin Brun », maintes fois lue et relue. Il se rappelle vaguement qu’il était interdit de posséder des chiens ou des chats non-bruns. Nous sommes dans un pays inconnu, à une époque inconnue, bien sûr. Tous les autres animaux de couleur, couic. Cette histoire le terrorisait.
— Mon pelage est blanc, blond, brun, avec un peu de noir. Que va-t-il m’arriver ? Et Charlie, le labrador noir ? Et Loulou, la chatte écaille ? Et David, le berger australien ? Et puis, il y a eu une épidémie de rhinocérite. Tu sais, ces humains qui perdent le langage, qui reviennent à l’état sauvage. Pauvres rhinocéros ! Et les rhinos blancs, alors ! Je ne comprends rien. Pourquoi, Béranger dit-il : « Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas ». ? À défaut d’être conquérant ou Empereur, Laf ne veut pas capituler.
— « Tout va très bien, Madame la Marquise ». Je ne me ferai pas vacciner. J’en ai soupé des essais sur mon body. Il y en a qui disent à voix basse que les animaux domestiques pourraient être contaminants, comme les enfants. C’est un bruit, chut. Alors, on veut vacciner les animaux domestiques et les enfants. Ce n’est pas une blague.
Maîtresse, tu ne vas pas me vacciner avec Carnivac-Cov, avec les chats, les chiens, les renards roux et polaires et les visons. Aouh ! Aouh ! Carnivac-Cov est déjà commercialisé par l’Agence Rosselkho…
Atchoum. Atchoum ! Pourvu que les animaux domestiques ne deviennent pas les boucs émissaires de ce vilain virus, et pas les chauves-souris, les pangolins, les civettes. Je crois que les visons y ont déjà laissé la peau. Et pas pour réchauffer Mémé.
S’il te plaît, Maîtresse, pas de couleur brune, pas de Carnivac-Cov. Ce n’est plus le chien, c’est le vaccin qui est le meilleur ami de l’homme.
Et la puce ? Pourvu que la puce ne soit pas le vecteur ! On m’appelle « sac à puces ». J’y passerais aussi ; et si on me mettait une puce sous la peau pour biper que je suis vacciné. Je me gratterais tout le temps et je sonnerais, ding !
Laf est un chien sensible. Il tourne sur lui-même pour chasser les angoisses. Sa maîtresse le prend sur ses genoux. Elle lui dit :
— Je vais te faire un cadeau. Je viens de t’acheter l’album pour chiens du compositeur Joseph Schiano Di Lombo. On va l’écouter ensemble. Dans cet album canin, le morceau que tu vas préférer, c’est « Interlude the Old Misty Forest », toi qui aimes tant te promener en forêt avec moi. Voilà, je mets le morceau.
Laf écoute, saisi de ravissement. Il pense :
— « Musique de niche », un album dédié aux chiens ! Doux, réconfortant. Un hommage à moi-même. [2]
Il ferme les yeux de bonheur.
Signé par un chien angoissé qui a besoin de musique
Notes :
[1] Chanson de 1935, Paul Misraki, Editions Ray Ventura.
[2] Musique de niche, Cracki Records.
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